Chaque événement a son avant, son pendant et son après …. L'avant ça allait. Le vieux bonhomme gérait ces souvenirs comme un jongleur lance ses balles. Toujours plus haut, toujours plus vite, retombant malgré tout toujours dans les mains. L'après … il le vivait avec délectation, avec bonheur. Chaque jour nouveau est un jour de plus. Par contre le pendant !!! Il se rappelait vaguement d'une sensation de malaise, d'une lourdeur sur la poitrine. La douleur le faisait encore grimacer à chacune de ces évocations, comme marquée dans sa mémoire à l'encre indélébile. Puis il y avait ces images furtives d'un corps allongé dans un lit et l'esprit sensé aller avec se demandant s'il n'allait pas mourir. Puis ce corps qui flotte dans un bruit assourdissant et se déplace à toute vitesse … et enfin plus grand chose … d'abord en gris … comme un brouillard qui va en s'épaississant puis en noir. Rideau.
Progressivement ils ont remit la lumière, rajouté un peu de vie. D'abord à doses homéopathiques puis à grand coup de perfusion. Ça grinçait bien encore dans quelques articulations mais les sens s'éveillaient lentement. L'ouïe et tous ces sifflements de machines, le touché et toutes ces petites mains qui le papouillaient qui pour la toilette, qui pour reposer un cathéter … l'odorat lui donna plutôt envie de repartir de l'autre coté mais il n'en fit rien, la vue revenant pratiquement en même temps sur le ravissant minois d'une fée en blouse verte.
– Alors ce voyage en hélico ??? Ça vous a plus ?
Il pensa qu'un baptême de l'air, à son age et ne pas en avoir le moindre souvenir … c'était bien dommage. Quel gachis.
Il tenta de se mettre en position un peu plus assis, un peu plus confortable. Des alarmes le rapelèrent vite à l'ordre. Son pouls s'emballa un peu plus. Il était nu comme un vers sur son lit. Sur la table tronait sa carte vitale, seul objet personnel qui avait suivi son periple. Il s'en saisi et la plaqua sur son sexe par pudeur. L'infirmière cru voir un geste déplacé. Le vieux bonhomme lui adressa son sourire le plus coquin avant de lui répondre.
– Désolé, ils ne m'ont laissé que ça à me mettre ….